Les Anti-aromatases

L. Mauriac

Les inhibiteurs de l’aromatase ont été utilisés dans les années 1980 dans les cancers du sein métastatiques. L’aminoglutéthimide, prescrit initialement comme anti-comitial puis comme anti-surrénalien est venu renforcer l’arsenal thérapeutique dominé alors par les anti-estrogénes dont une seule molécule était synthétisée, le tamoxiféne. Ils ont pris ensuite leur plein essor lorsque leur sélectivité a pu être développée, permettant de bloquer de façon spécifique le complexe enzymatique de l’aromatase. Deux catégories d’inhibiteurs, type I et type II, sont actuellement à notre disposition.

Les anti-aromatases de 2ème génération sont des inhibiteurs stéroïdiens de type I [formestane (intra-musculaire) et exemestane (oral)]. Ils ont une analogie de structure avec le substrat physiologique de l’aromatase, l’androstène dione. Se fixant sur l’enzyme, à sa place, ils bloquent de façon irréversible son activité ; on les appelle « inhibiteurs suicide » ou inactivateurs de l’aromatase. Le groupe d’anti-aromatases de 3ème génération comporte des inhibiteurs non stéroïdiens dits de type II [anastrozole, letrozole]. Ils se lient de façon réversible au complexe enzymatique.

La première étape d’évolution clinique s’est faite en phase métastatique chez des patientes dont la maladie avait progressé sous anti-estrogènes ( deuxième ligne de traitement ). Plusieurs études ont pu comparer 4 inhibiteurs de l’aromatase au progestatif de référence qui était l’acétate de mégestrol. Les deux études comparant l’anastrozole au progestatif n’ont pas montré de différence en terme d’efficacité. Les deux études comparant le letrozole au progestatif ont montré soit une équivalence d’efficacité, soit de meilleurs taux de réponse, de durée de réponse et de temps jusqu’à l’échec du traitement pour le letrozole. La comparaison des 2 inhibiteurs de l’aromatase de type stéroïdien au progestatif ne montre aucune différence d’efficacité pour le formestane, alors que l’exemestane procure une amélioration du temps jusqu’à la progression ou à l’échec du traitement et même une amélioration de la survie.

Dans toutes ces études, la tolérance au progestatif était moins bonne que celle constatée avec les inhibiteurs de l’aromatase. De ce fait, ces produits sont à préférer au progestatif en 2ème ligne de traitement.

En 1ère ligne de traitement métastatique, plusieurs études viennent d’être publiées . Deux études multicentriques, évaluant l’efficacité de l’anastrozole, montrent des résultats équivalents à ceux du tamoxifène. Quant à l’étude comparant le letrozole à l’anti-estrogène, elle montre une meilleure efficacité de l’inhibiteur de l’aromatase en taux de réponse et en temps jusqu’à progression. Enfin, le formestane est équivalent au tamoxifène, bien que ce dernier obtienne un meilleur temps jusqu’à progression et jusqu’à échec du traitement. Enfin, une étude comparant l’exémestane au tamoxiféne vient de terminer ses inclusions (EORTC).

Le indications des anti-aromatases en situation adjuvante est actuellement en cours de développement.

Quatre études multicentriques randomisées comparent la prescription du traitement standard ( 5 ans de tamoxifène) à l’administration d’un anti-aromatase pendant la même durée ou à l’alternance de l’anti-estrogène et de l’anti-aromatase. Sont actuellement étudiés l’anastrozole, le letrozole et l’exemestane.

Deux autres études d’hormonothérapie adjuvante, où le traitement est prolongé au-delà de 5 ans, analysent les thérapeutiques séquentielles (anti-estrogènes/anti-aromatase), soit avec le letrozole, soit avec l’exemestane.

Les premiers résultats divulgués concernent l’étude évaluant l’anastrozole. Ils ont été publiés en Juin de cette année dans le Lancet (M. Baum). Cette étude internationale multicentrique a inclus 9386 femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastatique, hormonosensible, recevant ou non une chimiothérapie adjuvante complémentaire. Les patientes recevaient par randomisation soit du tamoxiféne et un placébo, soit de l’anastrozole et un placébo, soit les deux produits actifs.

Avec un suivi médian de 33,3 mois, existe un bénéfice en terme de survie sans rechute (p= 0,013) en faveur de l’anastrozole alors que l’association des 2 produits ne donne pas de différence. Les 8% de patientes dont la tumeur n’exprime pas de récepteur ne tirent aucun bénéfice de l’antiaromatase. Par ailleurs le risque de cancer du sein controlatéral est diminué de 58% par l’anastrozole par rapport au tamoxiféne ( qui réduit lui même ce risque de 30 à 40 %).

Quant à la toxicité de l’anastrozole, elle est moins importante que celle du tamoxiféne en ce qui concerne le risque de cancer de l’endométre, de métrorragie, de thrombo embolie et de bouffées de chaleur. A l’inverse, le risque de fracture et de douleurs ostéo articulaire est augmenté par l’antiaromatase.

Malgré ces résultats prometteurs, il n’est pas encore conseillé de prescrire encore en routine cet anti-aromatase tant qu’un recul suffisant ne sera pas obtenu pour valider l’efficacité réelle de l’anatrozole par rapport au tamoxiféne et tant que la toxicité , en particulier sur le squelette, ne sera pas mieux analysée dans des études complémentaires actuellement en cours sur un sous groupe de patientes. D’ici là, les autres essais en cours d’inclusion actuellement, auront peut être apporté des réponses complémentaires.

Enfin, les anti-aromatases sont en cours de développement dans les traitements néo-adjuvants du cancer du sein. Une étude randomisée multicentrique a montré que le létrozole était statistiquement plus efficace en terme de régression tumorale que le tamoxiféne. Cette étude visait aussi à analyser les facteurs prédictifs de la réponse à l’anti-estrogéne et à l’anti-aromatase . Elle montre que les tumeurs hyperexprimant erb-B2 régressent mieux sous létrozole que sous tamoxiféne. Cela permettra probablement dans l’avenir d’affiner les indications des inhibiteurs de l’aromatase par rapport aux anti-estrogènes.

En conclusion, les anti-aromatases, après avoir pris la place des progestatifs en situation palliative, sont en concurrence directe avec les anti-estrogénes en premiére ligne de traitement palliatif mais aussi en phase adjuvante. Ils représentent un atout majeur dans l’arsenal thérapeutique, offrant au patient une ligne, voire deux, de traitement hormonal complémentaires.

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