La Prolactine

Compte rendu de la journée du groupe d’intérêt en Endocrinologie Gynécologique consacrée à la prolactine

19 Novembre 1999

B. Charbonnel

Clinique d’Endocrinologie, Hôtel Dieu, 44093 Nantes cedex 1

Cette matinée a été très intéressante et interactive consacrée pour partie à des actualités de physiologie et pour partie à des échanges extrêmement vivants sur des problèmes et des observations de clinique pratique.

Mme N. Binard (Hôpital Necker – Paris) a présenté une mise au point particulièrement documentée sur le récepteur de la prolactine, le gène qui code pour ce récepteur et ses différentes fonctions. Des souris KO pour ce gène ubiquitaire ont un défaut dans le développement mammaire pour les souris hétérozygotes ; les souris KO homozygotes survivent mais sont stériles par incapacité d’implantation, réversible sous progestérone. Les souris KO pour le gène du récepteur de la prolactine ont d’autre part des anomalies de l’ostéogenèse et différentes anomalies immunologiques, d’ailleurs modestes.

Mme I. Morange (Marseille) a fait état de l’expérience de son groupe (Pr Ph. Jaquet) sur l’emploi du gamma-knife dans les adénomes hypophaires sécrétants résiduels après chirurgie. Cette technique stéréotaxique en une seule séance permet une irradiation maximale de la cible et minimale des tissus adjacents d’où son nom imagé de radiochirurgie. La proximité de la tumeur vis à vis des voies visuelles demeure une contre-indication. Des antécédents de radiothérapie conventionnelle antérieure doivent rendre très prudent. Le résultat est en général positif et relativement rapide sur l’hypersécrétion hormonale et/ou sur le volume tumoral, mais ce résultat est loin d’être constant et il existe à distance un risque d’insuffisance hypophysaire. Dans la série marseillaise, 32 % des 34 acromégales ont vu une normalisation de la GH et 44 % des 18 Cushing une normalisation du cortisol libre urinaire, normalisation observée souvent les 2 premières années. Dix cas de prolactinomes résiduels ont été traités avec une normalisation de la prolactine chez 4 d’entre eux entre 1 et 4 ans. Une insuffisance hypophysaire généralement dissociée a été observée dans 10 % des cas à 18 mois. La bonne indication du gamma knife est le petit reliquat tumoral envahissant la partie médiale du sinus caverneux.

Dans la discussion, D. Dewailly (Lille) a confirmé sur sa propre expérience celle de Marseille mais rappelé aussi les résultats corrects de la radiothérapie conventionnelle dans ses modalités actuelles.

D. Dewailly (Lille) a traité ensuite du problème clinique très fréquent de la conduite à tenir devant une hyperprolactinémie observée chez une patiente par ailleurs sous neuroleptiques. Les taux peuvent dépasser 200 ng/ml. Le diagnostic est facile si on a la notion d’une prolactine normale avant la prescription des neuroleptiques, ce qui devrait être fait plus souvent. Sinon, un scanner ou une IRM de précaution est généralement souhaitable. En théorie, il vaut mieux traiter par les oestrogènes pour protéger l’os que par les dopaminergiques car ceux ci pourraient anntagoniser en partie l’effet des neuroleptiques. En pratique, cette crainte apparaît généralement surfaite.

C. Coussieu (Hôtel Dieu de Paris) a ensuite évoqué différents pièges du dosage de la prolactine. Elle les reprend en détails dans un autre article de cette revue. Des résultats différents de prolactine pour un même sérum peuvent être observés d’un kit à l’autre suivant l’anticorps (les anticorps monoclonaux reconnaissent plus ou moins telle ou telle forme de prolactine, petite prolactine bioactive, prolactine glycosylée, différentes macroprolactines…) et le standard utilisé (à cet égard, se méfier de la conversion unités grammes ou vice versa).

Le plus nouveau dans les propos de C. Coussieu a concerné les croisements variables d’une trousse à l’autre vis à vis de la macroprolactine. Il s’agit d’une forme circulante particulière de la prolactine liée à une grosse protéine, typiquement une immunoglobuline. Le diagnostic est porté par la chromatographie gel filtration qui démontre la normalité de la petite prolactine de poids moléculaire 23 KD mais qui démontre aussi qu’une proportion variable de la prolactine circule sans activité biologique sous une forme de poids moléculaire élevé. La clinique est donc typiquement muette mais des erreurs sont possibles vue la fréquence de la galactorrhée ou des troubles des règles plus ou moins idiopathiques… et la fréquence de cette anomalie qui concernerait plus de un individu sur 1000 et représenterait plus de 10 % de ce qu’on croit être des hyperprolactinémies pathologiques en gynécologie courante.   Certaines trousses reconnaissent peu la macroprolactine et d’autres beaucoup : en cas de macroprolactinémie, dont on rappelle que c’est une curiosité sans conséquence, « la prolactine » peut être mesurée normale à 10 ng/ml avec les premières trousses et « anormale » jusqu’à plus de 100 ng/ml avec les secondes…

On voit les erreurs potentielles, par exemple s’il existe un incidentalome hypophysaire. La matinée s’est terminée sur la discussion d’observations cliniques : il a été souligné l’inconsistance du diagnostic parfois proposé d’hyperprolactinémie fonctionnelle sauf peut-être en cas d’OPK bien identifié. L’intérêt étiologique des tests de stimulation (TRH – Primpéran) est controversé, certains soulignant leur intérêt y compris pour orienter vers une macroprolactinémie (lorsqu’ils sont positifs), d’autres soulignant leurs limites pour un individu donné (certains adénomes répondent aux tests). Il a enfin été fait état de la possibilité de résistances hormonales et/ou tumorales primaires ou secondaires aux différents dopaminergiques.

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