Métrorragies pré et post ménopausiques

Groupe d'intérêt - Endocrinologie gynécologique

COMPTE RENDU DE LA JOURNÉE DU 19/NOVEMBRE

L'après-midi a concerné

le diagnostic et le traitement des métrorragies.

Une conférence scientifique de M.Perrot-Applanat; a traité de" Angiogénèse endométriale et stéroïdes ovariens ".

L'angiogénèse est un phénomène complexe qui survient à certaines périodes du cycle menstruel en particulier au début de la phase folliculaire lors > de la régénération de l'endomètre. Comme le reste de la croissance endométriale, elle est sous la dépendance de l'estradiol.

L'angiogénèse est sous la dépendance principale du VEGF. Cette protéine est  présente tout au long du cycle menstruel mais est particulièrement abondante en phase folliculaire et en période péri implantatoire. Elle est exprimée dans les cellules glandulaires et stromales et se lie dans les cellules endothéliales à des récepteurs spécifiques. Sa secrétion est stimulée par l'estradiol dans les fibroblastes endométriaux. Il contrôle aussi le chimiotactisme et la perméabilité capillaire.

Ses récepteurs (VEGF-R1 ou Flt-1 plus impliqué dans le chimiotactisme, VEGF-R2 ou Flk-1/KDR plus impliqué dans la prolifération et la migration, VEGF-R3 ou Flt-4) paraissent médier des effets différents: en phase proliférative expression du Flk-1 associée à une croissance capillaire rapide, en phase lutéale, expression élevée des deux récepteurs, R1 et R2. angiogénèse et perméabilité vasculaire sont requises pour l'implantation.

Le rôle de la progestérone, en concentration élevée à cette période est possible mais non démontrée sur le VEGF ni sur ses récepteurs.

Des altérations de la paroi vasculaire sont impliquées dans les > saignements et le couple estradiol/progestérone intervient dans ce contrôle. La paroi vasculaire et le chorion cytogène contiennent des métalloprotéases (MPPs) dont la fonction est la dégradation de la matrice extracellulaire et de la membrane basale des cellules vasculaires. La conséquence en est la nécrose et l'hémorragie. Des cellules sanguines sont libérées qui contiennent des substances vasculotropes contribuant à aggraver le phénomène. La >production des MPPs varie au cours du temps. Il est vraisemblable que l'estradiol induit la production des MPPs, mais la progestérone inhibe l'activité >et/ou l'expression de protéases, l'activateur du plasminogène (capable d'activer les MPPs) et la production de MPPs. Elle induit à l'inverse celle d'inhibiteurs des MPPs (TIMP). Elle s'oppose donc à la dégradation de la matrice extracellulaire, garant de la cohésion cellulaire. Enfin elle module la synthèse des prostaglandines par un effet négatif à l'opposé de l'estradiol. La PGE2 a un effet angiogénique et PGF2a antiangiogénique.

Ces protéines sont aussi de puissants vasoconstricteurs impliqués dans la menstruation. Compte tenu des effets opposés des stéroïdes gonadiques sur le contrôle de la solidité vasculaire, on peut comprendre l'importance du rapport estro-progestatif dans la genèse des saignements.

L'aspect clinique a ensuite été abordé

Diagnostic des métrorragies

Pour parler de métrorragies fonctionnelles, il faut avoir éliminé les causes organiques de saignement. Cette affirmation a été reprise par L. Boubli, P. Driguez et moi-même. L'exploration est impérative quelques soient les âges de la vie. Le choix des examens complémentaires est discuté.

L'échographie est certainement l'examen le moins invasif, mais sa sensibilité et spécificité restent insuffisantes: d'après Lingren et coll.(Br.J.Obstet.Gynecol,1999,106,421), la sensibilité de l'échographie est de 75%, sa spécificité est de 47%, la valeur prédictive positive de 2% et la valeur prédictive négative de 99%. Parmi les femmes ayant un THS séquentiel, 64% avaient une muqueuse >4mm et parmi celles ayant un THS continu, 22%. De même, Archer et coll. (Menopause,19996,201) rapportent l'échographie une spécificité de 40-68%, une sensibilité ¾67%, une valeur prédictive positive de 10-18%. Enfin Garutti et coll. (Int.J.Gynecol.Obstet,1999,65,25) ont comparé échographie et hystéroscopie et trouvent une spécificité de 55% et 93,6% respectivement, une >sensibilité  de 95,1 et de 96,5% et une valeur prédictive de 63,7% et 92,7%. Parmi les endomètres <4mm, il y avait 7 polypes, 2 hyperplasies et 1 cancer. Pour notre part nous préconisons en complément obligatoire chez une femme qui saigne, l'hystérographie (supérieure pour l'adénomyose) oul'hystéroscopie, supérieure pour toutes les pathologies endocavitaires.

P.Driguez a démontré la supériorité de l'hystéroscopie et sa simplicité : pratiquée en ambulatoire, par un praticien expérimenté, elle est peu douloureuse et permet un prélèvement dirigé et le traitement des anomalies minimes : polypes, synéchies, ablation d'un stérilet. Elle est plus rapide,  plus sensible mais à un coût plus élevé que l'échographie (d'après Towbin et coll.,Am.J.Obstet.Gynecol,1996). Il rappelle la bien meilleure spécificité de l'hystéroscopie dans le diagnostic des métrorragies >(92-93%)  par rapport à l'échographie (67-90% pour Towbin,AmJ Obstet Gynec,1998 et Schwarzler, Ultrasound Obstet gynec,1998).
Ses résultats personnels éclairent les causes de métrorragies sous THS :  >

Patientes + métrorragies sous THS > Patientes asymptomatiques sous  THS > Patientes sans THS >
N= > 1175 > 193 > 185 >
Cavité normale > 515(43,8%) > 109(56,5%) > 89(48,1%) >
Pathologie intracavitaire > 660(56,2%) > 84(43,5%)  > 96(51,9%) >

Dont une majorité de polypes et myomes sous-muqueux, la fréquence de > cancer étant respectivement de 1,7%, 0,5% et 11,4%.

Enfin, quand l'échographie signale un endomètre hypertrophique et hétérogène (55), l'hystéroscopie retrouve 4 fois une cavité normale, 28 fois un polype, 14 fois un fibrome et 2 cancers de l'endomètre.

L'endomètre est atrophique dans 53 cas sur 55 cas.

Un des triomphes de l'hystéroscopie est l'exploration endocavitaire au cours des métrorragies sous tamoxifène. Là encore davantage, les modifications de structures de l 'endomètre rendent d'interprétation délicate voire complètement aléatoire les résultats de l'échographie. Les résultats de l'exploration de 79 patientes ayant des métrorragies :25,3% >de cavités normales, pathologies intracavitaires : 74,4% dont 1 ,4% de cancers et 1,3% d'hyperplasies. Les pathologies sont en majorité les polypes(44,3%) et coexistent avec un endomètre atrophique dans 97,5% des cas.

Métrorragies fonctionnelles: à tous les âges de la vie des métrorragies peuvent survenir, que ce soit sous pilule, sous THS, en dehors de tout traitement. Elles imposent une exploration aussi complète que possible, l'hystéroscopie et l'hystérographie restant les plus performantes.

Outre les causes organiques utérines, il faut rechercher un trouble de l'hémostase qui donne en fait plus volontiers des menorragies. Ce sujet a été traité par M.Samama qui a rappellé que la cause la plus fréquente sont les maladies de Willebrand, se révellant habituellement lors des premières règles qui sont hémorragiques. Cependant il existe des causes acquises et si l'étiologie des hémorragies n'est pas retrouvée il faut faire un bilan d'hémostase comportant plaquettes, TP, TCA au minimum.

Allongement du TP :

- déficits constitutionnels en facteurs VII,V,X,II

- Dysfibrinogénémies (rares)

- Atteinte de plusieurs facteurs ; II, VII, X

- Hypovitaminose K (maladie c¦liaque)

- Atteinte hépatique

Allongement du TCA

- Allongement modéré+diminution du facteur VIII : Willebrand (fréquente),  conductrice d'hémophilie (rare)

- Allongement important+diminution du facteur VIII <5% : auto-Ac anti VIII (très rare, parfois en relation avec une grossesse récente), Willebrand homozygote sévère (exceptionnel).

Il faut aussi éliminer une cause endocrinienne de trouble du cycle : hypothyroïdie, hyperprolactinémie, hypercorticisme (plus souvent iatrogène qu'endogène), la prise de thérapeutiques favorisantes.

Sous pilule, une cause fréquente sont les infections (fréquence 2 à 3 > fois plus élevée chez les femmes sous CO des chlamydiae d'après Bontis et coll.Adv.Contr.1994 et RR=5 par rapport aux non utilisatrices d'après Krettek et coll.(Obstet.Gynecol.1993). Des polypes sont possibles chez les femmes jeunes.

Une erreur souvent commise est d'associer stérilet et progestatifs ce qui ne peut que majorer les métrorragies.

Une fois éliminé les pathologies organiques, les métrorragies " fonctionnelles " peuvent être en rapport avec toute situation de déséquilibre estro-progestatif systémique endogène:>  dysovulation/anovulation ou thérapeutique: contraception, traitement progestatif ou THS et/ou local (fibrose du chorion), troubles vasculaires localisés.

Les estrogènes et la progestérone sont susceptibles d'agir sur les > facteurs qui contrôlent l'hémostase, la qualité et l'état des vaisseaux endométriaux. L'endomètre contient des facteurs vasoconstricteurs (endothéline, angiotensine, PGF2a), vasodilatateur (PTh-rP). Les stéroïdes gonadiques ont une action souvent antagoniste sur les protéines d'origine endométriale :

En résumé :

Estrogènes Progestatifs

fibrinolyse +++ -

(tPA,facteurVIII)

endotheline I ++ -

enkephalinase - +++

PTh-rP-

prostaglandines ++ -

MMPs ? -

TIMP ?+++

Angiotensine ?+++

(AT1 et AT2) + -

TF(thromboplastine) - +++/-

Ainsi, ces actions complexes des stéroïdes peuvent permettre d'expliquer que le rapport estroprogestatif soit responsable de l'eutrophie endométriale et que toute rupture puisse entraîner des modifications vasculaires. De plus, les progestatifs ont des actions vasculaires directes, pas toujours bien comprises, mais éventuellement différentes sur les capillaires, les artérioles spiralées et le chorion cytogène, facteur de " solidité ou de plasticité " endométriale. Ainsi, les norstéroïdes, au moins à doses antigonadotropes, développent le chorion et atrophiant relativement les artérioles spiralées, semblent moins souvent responsables de métrorragies que les dérivés pregnanes ou norpregnanes, qui >n'atrophient pas les artérioles spiralées. Cependant le taux d'estradiol endogène est toujours susceptible de moduler les effets progestatifs, par son action angiogénétique.

Après avoir éliminé une cause organique aux métrorragies, il faut rétablir l'équilibre E2/progestatif au niveau endométrial: en préménopause, à distance de la ménopause, les saignements sont volontiers en rapport avec une croissance folliculaire anarchique, un excès d'estrogènes à des taux relativement élevés (dystrophies ovariennes), responsables de méno-métrorragies. L'endomètre est dystrophique, avec une augmentation glandes/chorion. Celui-ci est insuffisant en terme de décidualisation,  siège d'hémorragies focales avec infiltrat inflammatoire. Les artérioles spiralées sont peu développées s'il existe une insuffisance en progestérone. En préménopause immédiat, la croissance folliculaire est insuffisante, la secrétion d'E2 plus faible et l'endomètre est souvent le siège de fibrose rendant la diffusion des stéroïdes inégale. De plus il existe des modifications vasculaires liées à la présence de fibromes, d'adénomyose. Au cours des traitements utilisant des progestatifs, il existe une modifications des vaisseaux avec éventuellement pétéchies, fragilité vasculaire, parfois des dilatations vasculaires importantes et une fragilité de l'épithélium de surface.

En pratique, il faut rétablir l'équilibre estroprogestatif quand c'est possible, traiter les hyperplasies et prévenir la récidive, augmenter l'apport d'estradiol s'il est insuffisant, changer de progestatif ou en modifier la durée, faire des fenêtres thérapeutiques.

La place du traitement chirurgical des métrorragies a été exposé par E.Daraï .

Il a présenté les techniques d'ablation endométriale en comparant la thermocoagulation et le roller-ball dans la série de Meyer et coll. (Obtet Gynecol.1998). Le degré de satisfaction (85,6 et 86,7%) est équivalent, de même que l'amélioration de la dysménorrhée (70,5 et 75,4%), du syndrome prémenstruel (78,6 et 76,6% avant contre 32,8 et 29% après).

Le Versapoint est supérieur pour les lésions localisées. Les échecs de cette technique dépendent de la pathologie initiale à traiter d'après Herman et col. (Revue Med Liège,1998) : 5,6% dans les hyperplasies, 4,6% pour les polypes, 17,2% pour les fibromes et 63% pour les adénomyoses. Le taux d'hystérectomies nécessaires a été respectivement pour toutes ces pathologies, 6,5%, 5,1%, 19,6%, 65%.

L'orateur a conclu en soulignant que le moindre coût apparent des techniques conservatrices était à quantifier en tenant compte des échecs de la méthode et que le rapport >coût/efficacité restait à mieux évaluer. Il apparaît donc que l'existence d'une adénomyose n'est pas une indication de la résection endométriale.  >

En ce qui concerne les hyperplasies, le traitement médical est efficace et nous ne connaissons pas la place logique de la résection endoscopique dans ces pathologies.

Pr.A.GOMPEL
Service de gynécologie
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Tel.: 01 42 34 80 67
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